Depuis plusieurs années des mesures substantielles ont été prises par l’institution visant à flexibiliser notre statut, c’est-à-dire nous obliger à changer notre façon de travailler. Le but est de faire des économies afin de pallier la pénurie de professeurs.
Le ministère s’est tout d’abord attaqué à nos obligations liées au temps de travail. Elles ont peu à peu été modifiées pour nous amener à travailler plus sans aucun rattrapage salarial.
Ce furent hier les deux heures supplémentaires hebdomadaires de cours non refusables, en sus de nos 18 heures de service. Ce fut aussi la baisse du nombre de jours de « vacances » (122 jours en 2022 contre 125 en 2000).
C’est aujourd’hui la formation continue qui se fera à 100% en dehors du temps de présence devant élève, à partir de la rentrée 2024. En plus d’alourdir notre temps de travail, elle posera fréquemment des dilemmes lorsqu’on aura charge de famille, des rendez-vous médicaux, ou tout simplement, besoin de temps pour faire son travail.
Et demain ? Peut-être l’annualisation de notre temps de service règlementaire, comme le recommande depuis des années la Cour des comptes ? Actuellement, un professeur certifié a un temps de service obligatoire défini de manière hebdomadaire, à raison de 18h par semaine. En passant à une forme annuelle, le travail serait lissé sur l’année. Ce serait plus qu’un simple calcul mathématique « 18h sur 36 semaines soit 648h de service annuel » puisqu’il s’agirait d’augmenter ce volume d’heures annuelles. Et les heures perdues de manière ordinaire (élèves en sortie, réunions, etc) seraient dues à l’administration, nous obligeant à les rattraper sous peine d’amputation de salaire.
Dans le cadre de l’autonomie des établissements, le ministère a simultanément entrepris un reformatage de notre mission de base pour nous amener à accepter une nouvelle conception de l’activité enseignante. En plus des traditionnelles obligations de service (enseignement, travail de recherche et de préparation des cours, évaluation des élèves), nous sommes accaparés par de nouvelles tâches qui n’ont plus grand-chose à voir avec le cœur de notre métier :
- la mise en œuvre – impossible – de l’inclusion pour pallier le manque de places et les fermetures en structures spécialisées,
- le pilotage intégral du processus d’orientation des élèves : nous devons nouer des partenariats avec des organismes extérieurs et organiser des sorties à des forums et foires,
- le soutien scolaire sur le temps scolaire (devoirs faits) et hors temps scolaire (« vacances apprenantes »),
- la présence à d’innombrables réunions et inénarrables instances : que de temps passé à y assister, sans compter celui consacré à remplir des fiches-actions-projets pour se justifier de tout,
- l’organisation et l’exécution de dispositifs à la mode, énergivores et chronophages.
Ainsi, l’institution nous demande de plus en plus de remédier aux carences de missions de spécialistes ou de personnels non enseignants et surtout de celles des parents, démissionnaires. Cela va de pair avec l’évolution de la société qui exige désormais tout de l’école. Le point d’orgue serait de nous imposer un jour la bivalence voire la polyvalence. Aux yeux de notre administration, la spécialisation disciplinaire est à casser afin de disposer d’un vivier commode et malléable de remplaçants.
Le SNALC dénonce cette flexibilisation désastreuse, accomplie au détriment de la transmission des savoirs. Il est temps que les différents gouvernements aient l’audace de s’attaquer aux vraies raisons de la crise d’attractivité et à la perte de sens de notre métier au lieu de s’en prendre à ceux qui restent encore à bord du navire.