Certains jardiniers maĂ®trisent l’art du travail de la terre et de sa prĂ©paration pour que les futurs semis donnent les meilleurs lĂ©gumes. Ils ont le souci du travail bien fait, leur jardin est toujours impeccable et aucune petite motte de terre ne semble ĂŞtre lĂ par hasard. Ă€ la vue d’un potager entretenu et fraĂ®chement semĂ©, on imagine dĂ©jĂ Â la dĂ©licieuse saveur des repas Ă Â venir. Cependant, la dĂ©sillusion est parfois grande lorsque l’on rĂ©alise que les apparences Ă©taient trompeuses et qu’à dĂ©faut de lĂ©gumes savoureux, le jardin, après quelques mois, ne donne finalement que des lĂ©gumes insipides et des mauvaises herbes.Â
En creusant un peu, le SNALC a dĂ©cortiqué les graines semĂ©es dans le premier degrĂ© il y a quelques semaines par l’actuel Premier ministre. Le constat est clair : c’était de la mauvaise graine. Cependant, tout a Ă©té semĂ©, et très vite, de telle manière que le successeur de Gabriel Attal n’ait plus qu’à  s’occuper de l’arrosage et de la fertilisation (mĂ©diatique) du terrain afin d’obtenir une rĂ©colte voulue pour septembre.Â
Nul doute que la soupe, qui nous sera, non pas servie, mais imposĂ©e Ă la rentrĂ©e 2024, aura un goĂ»t plus qu’amer. Le goĂ»t de la fin de la libertĂ© pĂ©dagogique des enseignants par l’uniformisation des pratiques pour rĂ©pondre, non plus Ă la rĂ©alité du terrain, mais Ă des critères chiffrĂ©s dĂ©pourvus d’objectivitĂ©. Bref, un pas de plus vers une gestion purement comptable et managĂ©riale de l’école publique : telle une entreprise, elle doit dĂ©sormais se focaliser sur des objectifs plus quantitatifs que qualitatifs, au dĂ©triment de la santĂ© mentale et physique de ses employĂ©s.Â
Or, si les enseignants souffrent, depuis des annĂ©es dĂ©jĂ , de la dĂ©tĂ©rioration de leurs conditions de travail, il leur restait encore quelques satisfactions au quotidien. C’est prĂ©cisĂ©ment Ă ces libertĂ©s et Ă ce plaisir d’enseigner que risquent d’attenter les rĂ©formes Ă venir. Ainsi, il est prĂ©vu que soit imposĂ©e Ă chaque enseignant de chaque niveau dès septembre, une passation d’évaluations nationales annuelles. Quelle est la finalitĂ© de ces procĂ©dures sinon d’imposer sur tout le territoire, une pĂ©dagogie dictĂ©e par les rĂ©sultats et sur laquelle les professeurs des Ă©coles n’auront plus la main ? Il est fort probable d’ailleurs que, dans un futur proche, le professeur n’ait plus le choix du manuel scolaire et qu’il soit contraint d’utiliser un manuel labellisĂ© qui ne lui conviendra pas. Il est Ă©galement plus que probable que les programmes en prĂ©paration soient directement influencĂ©s par la mise en place de ces Ă©valuations et ne correspondent plus du tout aux besoins de nos classes.Â
Cependant, une petite prĂ©cision s’impose. Le SNALC estime que les mots « labellisation », « Ă©valuation », et « rĂ©vision des programmes » ne sont pas incompatibles avec le mĂ©tier. Tout dĂ©pend du sens donnĂ©, du contexte et de l’utilisation qu’en fait le ministère. Ainsi la labellisation d’un large choix de manuels pour Ă©carter les livres scolaires peu recommandables serait entendable. De mĂŞme, des Ă©valuations non obligatoires, Ă©laborĂ©es par ou pour les enseignants afin qu’ils puissent amĂ©liorer leur travail de classe, seraient Ă©videmment une bonne chose. Ce n’est pas le chemin que semble prendre le ministère. Le SNALC s’opposera donc Ă des Ă©valuations nationales pour tous les niveaux d’enseignement qui, incontestablement, porteront atteinte non seulement Ă notre libertĂ© pĂ©dagogique, mais Ă©galement de manière profonde et irrĂ©versible Ă l’essence mĂŞme de notre profession.Â
Si, Ă la rentrĂ©e de septembre, la mauvaise herbe nous empĂŞche de travailler sereinement, un dĂ©sherbage s’imposera avant de nous laisser envahir. Nous, enseignants, connaissons le terrain – notre terrain – et savons mieux que personne comment le cultiver.Â