Dans la Quinzaine Universitaire du 15 mars, il avait été question de la désinvolture avec laquelle le Ministère avait (des)informé les professeurs de Français en Terminale Bac pro au sujet du nouveau thème du programme limitatif.
En février il était aisé que constater que ce nouveau programme avait été quasiment imaginé sur un coin de table ou au détour d’un couloir du ministère, à la va-vite, et publié uniquement parce que tout le monde (les éditeurs de manuel, les professeurs désirant s’avancer dans les lectures indispensables) manifestait sa légitime impatience …
C’est pourquoi nous avions été estomaqués par l’inanité aussi bien du thème abordé 1, que de la pauvreté littéraire du choix des œuvres à aborder (toutes postérieures à 1946, inconnues sauf une de la plupart des enseignants concernés) ou l’absence totale de conseils pour des lectures personnelles.
Or depuis la parution officielle de ce programme dans le Bulletin officiel le 22 février nous aurions pu espérer des compléments d’information, des sessions de formation de la part du corps d’inspection. Pourtant, rien n’est annoncé. Nous approchons dangereusement du mois de juin, qui dans les lycées professionnels et SEP correspond aux surveillances, corrections, gestion du secrétariat des divers examens ainsi que du suivi des PFMP (Périodes de Formation dans le Milieu Professionnel c’est-à-dire les « stages »). Ce mois de juin est donc un mois très chargé.
Dans l’article du 15 mars2, nous avions posé la question de l’amateurisme du ministère : chaque enseignant français a connu cette précipitation insensée, cette marche forcée dans l’application des réformes, surtout dès 2017.
Cette année elles se doublent d’un flou absolu quant aux savoirs à dispenser. A moins qu’officiellement le principe même d’inculquer des savoirs soit connoté péjorativement en 2024 ?
Cette impréparation enfin est à lier à la nouvelle organisation de l’année de Terminale Bac professionnel : pour simplifier les cours s’arrêteront fin mars ils seront suivis d’une première période en Pfmp durant 6 semaines puis de la 1ere session de l’examen. Ensuite une 2e session de PFMP ou au choix un module de préparation aux études supérieures (pendant 6 semaines là aussi) et enfin il faudra subir une 2e session d’examen uniquement pour 2 épreuves.
Bilan : une année raccourcie de 4 semaines, un nouveau programme en français abscons et fade, de nouveaux référentiels pour plusieurs spécialités (dont les ASSP3.)
Face à tout cela, de nombreux professeurs risquent de « refuser l’obstacle » c’est-à-dire être pour le moins réticents à choisir de « suivre » leurs classes, puisque l’organisation de l’année prochaine risque de ressembler à une immense « usine à gaz ». De plus ils seront encore plus obsédés par la crainte de ne pas « boucler » les programmes.
Pour conclure, sans être paranoïaque l’impression que cette impréparation n’est pas fortuite, qu’elle serait pratiquement voulue afin de mettre une pression exagérée sur les enseignants de la voie professionnelle et donc indirectement des élèves, revient obstinément dans les esprits
Ce pressentiment s’il était réalisé relèverait donc d’un énorme cynisme envers tous : faire semblant de rénover la voie professionnelle pour en faire une « filière d’excellence » (Emmanuel Macron, 4 mai 20234) et en fait entreprendre exactement le contraire : réduire les horaires d’enseignement général et professionnel, raccourcir artificiellement l’année terminale déjà chamboulée, publier des programmes ineptes.
Notes