C’est là le terme qui décrit le mieux l’avenir du métier d’enseignant en école primaire. En cette rentrée de 2023, notre nouveau ministre a commencé sa mission en exposant publiquement trois priorités. Il s’agit du respect de l’autorité et de l’acquisition des savoirs fondamentaux, de la garantie de la présence d’un professeur devant les élèves chaque jour et de faire de l’école un lieu où les enfants se sentent heureux. Si un ministre avait osé faire une telle annonce il y a environ cinquante ans, il aurait été la risée de tous. Et pourtant…
En 2023, voilà où nous en sommes. L’école n’est plus à la hauteur, malgré les multiples alertes lancées par le SNALC, ardent défenseur de l’enseignement des fondamentaux. Il est dommageable que les avertissements de notre syndicat concernant la perte d’identité et d’autorité de notre école et de nos enseignants, ainsi que notre demande d’une reconnaissance financière et morale véritable de notre profession par le gouvernement aient également été ignorés. En réalité, l’École s’est dispersée au fil des années. Les professeurs des écoles ont été chargés de missions diverses et multiples par les ministres successifs, soit pour répondre à des tendances, des lubies ou des choix politiques, soit pour mettre en place de nouvelles et souvent mauvaises mesures. Il est indéniable que pratiquement jamais une décision n’est prise dans l’intérêt pur de l’élève et/ou de l’enseignant. L’école semble être devenue un terrain de jeu pour les expérimentations. Chaque ministre veut laisser sa signature et propose sa « recette magique » qui lui permettra de devenir LE ministre qui aura sauvé l’École. On essaie, on tente sa chance, on prend des risques, mais ce sont les élèves et les professeurs qui en pâtissent. Et à chaque fois, c’est la même technique, la même recette :
- Trouver une bonne raison qui justifie une nouvelle mesure.
- Faire sa publicité dans les médias en promulguant une idée magique, miraculeuse ou révolutionnaire pour l’École.
- Ajouter au passage que les enseignants, voire les parents, y trouveront leur compte.
- S’appliquer à fausser le dialogue social qui risquerait de remettre en question les décisions envisagées.
- Et enfin, faire passer discrètement les décrets pendant l’été.
Résultat : les professeurs des écoles voient d’année en année l’école se consumer. Fatigués de jouer les pompiers, de plus en plus de collègues voient leur motivation partir en fumée. Le métier, risqué, fatigant, stressant et surtout dévalorisé, n’attire plus. Aussi quand notre tout nouveau ministre de l’Éducation nationale annonce que la revalorisation des enseignants est terminée, et que dans le même temps, le président de la République déclare qu’il faudrait réduire les temps de vacances scolaires, le SNALC se demande : quoi de mieux pour rendre le métier encore moins attractif ?
De plus, la fameuse revalorisation (alors que le SNALC réclamait un rattrapage salarial) se présente sous la forme d’un Pacte, une énième bonne idée, qui consiste en un contrat à signer pour chaque professeur désireux d’obtenir une rémunération supérieure, en contrepartie d’heures de soutien au collège en classe de 6e. Autrement dit, ce sont des heures supplémentaires qu’on vend sous le nom de revalorisation. Le gros problème du Pacte, c’est son côté “pochette surprise”. Bien que le décret 2023-627 du 19 juillet 2023 officialise certains aspects, il reste néanmoins que chaque situation sera gérée au cas par cas, voire au jour le jour, et engagera les enseignants dans des missions dont toutes les modalités sont loin d’être claires. Le SNALC s’inquiète de l’objectif caché de cette intrusion des professeurs des écoles dans les collèges, d’autant plus que le décret 2023-636 du 20 juillet, portant sur des modifications statutaires du corps de professeurs des écoles, précise que ces derniers pourront « contribuer aux enseignements dans les collèges ». C’est un nouveau pas vers l’unification des corps enseignants, une idée rejetée par le SNALC.
Ce Pacte est finalement une manière houdinesque de faire croire à une revalorisation. Mais cela fait longtemps que le SNALC ne se fait plus d’illusions. Cependant, c’est une idée de communication ingénieuse comme d’habitude : le Pacte va masquer le problème du remplacement lié au manque de professeurs dans le second degré et dans le même temps, il va permettre de sauver le niveau des élèves du collège, grâce à l’intervention magique de professeurs des écoles en 6e. Ces derniers vont accomplir en 18 heures de soutien ce que l’école élémentaire n’a pas réussi à faire en 5 ans ?
Ce Pacte ne manquera pas de créer des tensions dans les écoles, étant donné que le directeur devra faire des choix parmi les volontaires et ne pourra pas satisfaire tout le monde. Certains directeurs devront très certainement s’appuyer sur les tout derniers décrets de la loi RILHAC concernant l’autorité fonctionnelle et les missions déléguées aux directeurs des écoles pour justifier leurs choix. Un premier pas vers la “secondarisation” du premier degré que le SNALC rejette.
Le SNALC a déjà annoncé les problèmes inhérents au Pacte, qui représentera un véritable casse-tête pour l’administration, les directeurs d’école et les adjoints. On n’améliorera pas l’attractivité de notre métier avec ce Pacte qui va venir complexifier encore davantage les conditions de travail des professeurs. L’année scolaire 2023-2024 s’annonce tendue.